Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien ? Il y a peu, je vous ai parlé du roman de Morgan of Glencoe, Si loin du Soleil. J'ai eu la chance de pouvoir échanger par mail avec et en voici le résultat, une très sympathique interview !!! J'ai aussi eu la possibilité de poser quelques questions à Elen
Brig Koridwen (presque éditrice de Si loin du Soleil).
Prenez le temps de tout lire, c'est vraiment très intéressant !!!
Et n'hésitez pas à laisser un commentaire à la fin de l'article, nous en seront tous contents.
Bonjour
Morgan of Glencoe, je suis ravie de pouvoir discuter avec vous,
pourriez-vous dire quelques mots sur vous ? J'ai cru comprendre que
vous veniez de Bretagne?
Alors
bonjour Lily, et heu, on peut se tutoyer ? J'ai peu l'habitude
du vouvoiement, je travaille dans des milieux où ce n'est
franchement pas la norme… (sauf si vous préférez le vouvoiement à
ce point, hein !) et le plaisir est partagé, c'est ma première
interview en tant qu'auteur !
Donc
oui, je vis de Bretagne, dans le pays de Porhoët. Et oui, je suis
originaire de là aussi. Non pas que je n'aie jamais vécu que là…
j'ai testé Rouen, Paris, j'ai voyagé aussi mais voilà : ma
Bretagne, je l'ai dans la peau. Je peux partir au loin, j'y
reviendrai toujours. Bon, allez, je pourrais lui être un peu
infidèle pour l'Irlande ou l’Écosse. Mais pour combien de temps,
je l'ignore.
Morgan
of Glencoe est un pseudonyme, j'imagine, pourquoi avoir choisi ce
nom ?
Oh, alors sur ce
coup-là, je vais te/vous faire rire… parce que, non, ce n'est pas
un pseudo. C'est mon presque vrai nom. Je dis presque vrai parce que
j'ai retiré la partie du milieu, en fait. Mais mon prénom, c'est
bien Morgan, et mon nom de famille complet finit par "of
Glencoe" depuis que je suis propriétaire d'un petit bout
d'Écosse (quelque chose comme 3m²) offert par mes frères… Donc,
c'est mon vrai nom, tronqué. Et c'est aussi le nom que j'utilise
pour mes concerts solos, et les choses publiques en général.
Petit
portrait chinois
Si j'étais un
livre, je serais .... C'te question piège… Sans doute le Llyfr
Taliesin.
Si j'étais une
fleur, je serais… Un nénuphar.
Si j'étais une
musique, je serais… Un slow-air écossais. Genre Black is the
colour ou the Valley of Strathmore. Avec un accompagnement simple,
genre violon/harpe celtique ou flûte/guitare, et une voix celtique
pour la chanter. (oui j'ai des standards musicaux précis.
Déformation professionnelle…
Si j'étais un
objet, je serais… Une harpe celtique. On ne se refait pas…
Si j'étais un
personnage de roman (mais pas dans le tien, hein), je serais…
Encore un piège ! Un personnage déterminé mais désespéré,
je pense. Genre Sirius Black, ou Eowyn.
Portrait chinois
lié au livre
Si j'étais un
des personnages, je serais… You guess, I won't say.
Si j'étais une
Fée, je serais… Oh, une Selkie. J'aime trop la mer pour être
autre chose.
Si j'étais
souverain de la Triade, je serais… Heu, y'en a que trois et ils ne
sont pas sympas… Mais je veux bien être n'importe lequel des rois
de Keltia par contre !
Si
j'étais une arme, je serais…Des mains. Si on ne sait pas se servir
de ses mains, je ne vois pas à quoi sert le reste…
Comment t'es venu
l'idée de ce roman ? Y a-t-il eu un déclic ? Un moment
magique ?
Sous une
proto-forme à peine embryonnaire, il y a trèèèèèèèèèès
longtemps, c'était un délire avec ma meilleure amie : un truc
pour un fanzine, une histoire que j'écrirais et qu'elle
illustrerait. Puis ça a grossi, beaucoup, beaucoup changé,
l'univers s'est développé, a muté, ça n'a plus rien à voir avec
le petit délire adolescent d'où c'était parti…
Pour
ce qui est de la version définitive de l'histoire, il y a eu
plusieurs déclics. D'abord, j'ai eu marre du médiéval fantasy, des
héros trop lisses, des univers éternellement plus ou moins
identiques avec beaucoup de lieux communs. Soyons d'accord, j'adore
le Seigneur des Anneaux. J'adore la fantasy. Mais j'avais envie
d'autre chose, de problèmes modernes, de pointer du doigt aussi que,
ce qui est toléré dans un monde med-fan pour cause de "réalisme"
n'a rien d'admissible ni de tolérable…
Et
puis j'avais aussi très, très envie de personnages de fantasy qui
soient de vraies personnes, pas des symboles ou des déclinaisons
d'archétypes. Oh, je ne dirais pas qu'il n'y a pas de déclinaisons
d'archétypes dans Si loin du Soleil, mais ils ne sont pas définis
par leur rôle archétypal. Tout comme une personne réelle n'est pas
définie par son métier, en quelque sorte. Je crois que l'exemple le
plus simple est celui de Sir Edward Longway. Il remplit le rôle
archétypal du mentor, ok. Mais c'est avant tout le type avec qui on
se verrait bien s'asseoir, partager un verre de whisky et jouer de la
musique. Parler de tout et de rien. Rire. Rencontrer, quoi, pas
seulement admirer de loin.
La
force de la Dernière Geste, ce sont ses personnages. Je voulais que
les gens puissent avoir envie de leur botter les fesses ou de les
consoler, de rire à leurs côtés et de grincer des dents avec leurs
frustrations, d'être blasés parfois, surpris aussi, bref, de vivre
un moment à leurs côtés. Mon déclic perpétuel, ce sont eux, en
fait.
Comme
s'est déroulée l'écriture ? As-tu eu des rituels ? Des
manies ? Combien de temps t'a pris la rédaction concrète du
roman ?
En
fait, j'ai peu de rituels d'écriture… Je fonctionne en deux temps
(comme un moteur de canot. Cette digression n'a aucun rapport… le
temps "structure" et le temps "écriture".
D'abord,
je scénarise. Tout, ou presque. Ensuite, je chapitre le scénario,
pour que l'histoire n'ait pas de temps mort, et je crée un fichier
par chapitre. Enfin, je revois l'ensemble et je vérifie que c'est
équilibré. Et une fois que tout ça est fait, je n’ai toujours
pas écrit une ligne officielle. C'est le temps "structure".
Après,
simplement, j'y pense. Un peu tout le temps. En faisant les courses,
le ménage, en attendant mes élèves de musique, dans la voiture.
Peu à peu, un passage en particulier se détache, se précise. Dans
ma tête, il devient un petit bout de film, de plus en plus détaillé,
de plus en plus vivant, et un peu obsessionnel. Alors arrive ce
moment où je n’ai pas d'autre choix que de l'écrire, et là, il
sort. Tout seul comme un grand. Souvent d'un seul coup. Parfois,
c'est un passage très court, par exemple la première description
d'Alcyone. Je l'ai vu atterrir en boucle sur le toit du train un
certain nombre de fois, et pourtant ça ne dure guère plus de 3
secondes. D'autres fois, ce sont des chapitres entiers, et même des
groupes de chapitres… j'ai écrit les chapitres 11, 12 et 13, et
l'épilogue et la scène cachée, quasiment d'affilée, en une nuit.
C'était d'ailleurs un moment assez atroce, je voyais plus l'écran
parce que je pleurais, j'ai vidé deux blocs de mouchoirs, et rien
que d'y repenser… Mais ça en valait la peine.
Il
y a un deuxième temps d'écriture, c'est celui où je contextualise,
je remets les informations dont le lecteur a besoin dans le récit :
les descriptions les moins narratives ou les explications un peu
concrètes. C'est plus facile de les doser quand on a déjà mis
l'émotion dedans.
Question
rituels… Pas vraiment. Je fais souvent des mini-pauses pour jouer
de la harpe, et je bois du thé. Du Earl Grey, ou du thé noir à la
pêche.
Sinon,
je pense que ça m'a pris environ un an et demi pour le premier jet,
puis autant de relectures.
Comment
as-tu fait pour autoéditer ton roman ?
Ah,
c'est drôle parce que je n'ai pas vraiment l'impression que Si loin
du Soleil est autoédité, car en soi, j'ai une éditrice : Elen
Brig Koridwen. J'entends par là qu'elle a fait le travail qu'aurait
fait un éditeur : correction, relecture, mise en forme, et une
très grande partie de la promotion. Après, officiellement c'est
effectivement une autoédition, mais je n'ai pas fait ce travail par
moi-même, du moins pas entièrement, et à dire vrai, je pense que
je n'aurais pas réussi sans elle. Ni sans Laurent Miny,
l'illustrateur.
Dans
quelle sorte de temporalité se situe Si loin du soleil ?
Comment expliques-tu la Triade ? Qu'est-ce que cela représente
pour toi ?
Je
crois que la temporalité de SLS est assez… bordélique. En soi, on
est assez proche de nos années 1970/80, mais ce n'est qu'une très
vague approximation car la technologie n'est pas du tout la même.
C'est en grande partie lié à la géopolitique du monde : les
maîtres de la technologie, ce sont les Keltiens, et pour une raison
simple, ce sont les Feux-follets. Ils sont peut-être un chouïa
surexcité, mais ils ont un vrai don pour tout ce qui est travaux
manuels, mécanique etc. Or, Keltia, c'est un mini-archipel et une
petite péninsule qui doit défendre son choix de vie face à trois
monstres, qui sont bien plus des continents que de simples pays…
Leur technologie, c'est leur moyen de se protéger. Leur monopole sur
les moyens de transport, c'est leur seul bouclier contre la Triade.
Sans ça, ils se feraient écraser direct.
La
Triade, c'est le résultat typique d'une société qui vit dans la
peur, ou de sociétés qui vivent dans la peur. Dans le monde de la
Dernière Geste, les humains vivent dans un millier de peurs
contradictoires : peur des fées, peur des flics (qu'ils soient
en noir, en bleu et or ou en rouge) peur des brigands… c'est
lorsque l'on vit dans la peur et que l'on est ignorant que l'on est
facile à soumettre, et on croit qu'un état grand et fort nous
protégera et assurera une certaine paix. (Mauvaise nouvelle :
la plupart des états n'en ont rien à carrer)
Ce qui est assez
amusant dans le cas de la Triade, c'est que leurs accords reposent…
sur la liberté de Keltia, puisque ce mini-pays assure qu'aucun des
trois géants ne mettra la main sur LE moyen de communication et de
transport par excellence (le seul qui soit fiable et assez rapide, en
réalité) : le Rail. Bon, je ne vais pas faire le détail, mais
là ce sont les grandes lignes d'une situation géopolitique toute en
tension et qui, clairement, ne demande qu'à exploser.
Parles-nous
un peu des thématiques fortes qui sont abordées dans ton roman ?
Je pense surtout aux a priori sur les Fées et à leur statut
d'inférieur.
Oh,
les humains adorent se considérer comme supérieurs et hiérarchiser
tout un tas de choses. Ils considèrent les fées comme inférieures
parce qu'elles ne sont pas des humains, tout simplement. C'est une
autre espèce et la plupart des humains les considèrent comme des
animaux (à juste titre, sauf qu'ils oublient qu'ils sont aussi des
animaux.) Elles sont différentes et ils ne les comprennent pas (et
en fait, la plupart des humains n'ont pas envie de faire l'effort de
les comprendre.). Ce n'est qu'un "rang" de plus dans
l'intolérance commune, à mettre à côté du racisme, du sexisme,
de l'homophobie. La seule vraie différence entre les fées et les
autres espèces animales, c'est qu'elles sont capables de parler le
langage des humains, en fait.
Une question
spéciale Historienne que je suis. Pourquoi avoir choisi un royaume
de France, un empire japonais et le sultanat ottoman ?
Alors pour ne pas
faire un cours d'histoire complet (j'ai toute la chronologie du monde
dans un fichier, mais c'est un GROS fichier) on peut le résumer
comme ça : parce que ce sont les pays les plus expansionnistes des
derniers siècles dans leur continent respectif, tout bêtement. Le
Royaume de France correspond à ce que Napoléon voulait conquérir,
l'Empire Japonais, il suffit de jeter un coup d'oeil à une carte des
invasions de la seconde guerre mondiale, et le Sultanat Ottoman...
c'est pour Soliman le Magnifique. J'avais envie de trois cultures
résolument différentes, et tout à fait incompatibles, mais assez
arrogantes et expansionnistes
(je parle
d'états, pas de personnes !) pour vouloir dominer leurs voisins.
Quelques
mots pour donner envie aux lecteurs ?
J'ai
aucun talent pour la communication, je vais donc donner la parole au
Capitaine Trente-Chênes, une femme qui mérite plus d'appréciation
qu'elle n'en reçoit :
"Sauf votre respect, princesse ou
pas, rien à foutre. Gardez vos faveurs pour les chiens de la Cour
qui se presseront bientôt à vos pieds, car ici, personne n’en a
cure : sur le Rail, la seule chose qui compte c’est que vous
ayez payé votre billet. " ça, c'est dit... vous embarquez ?
Questions
pour Elen
Brig Koridwen : Comment s'est passé votre rencontre entre Morgan et
toi ? Qu'as-tu pu lui apporter ?
Fin
2012 début 2013, j'animais une association créée sous mon
impulsion, et qui avait essentiellement pour objet d'apporter de
l'aide aux auteurs. Mon éditeur venait de prendre sa retraite pour
raisons de santé, me léguant très gentiment le profil facebook de
sa maison d'édition avec ses pages et groupes, parce que je m'y
étais déjà impliquée à son invitation. Je souhaitais proposer
une synergie (c'est ma marotte) à tous les blog'litt, auteurs et
autres métiers du livre présents dans les différents groupes
associés ; d'où l'idée de cette association, L'écurie
littéraire, fondée sur l'entraide.
Parmi
les services proposés, il y avait un club de bêta-lecture, qui, je
crois, a rendu beaucoup de services en élaborant des fiches de
lecture très argumentées. Je lisais moi-même tout ce que je
pouvais, mais c'est par pur hasard, parce que l'une des
bêta-lectrices était indisponible, que j'ai offert de me charger de
Si loin du soleil.
Cela
a été une excellente surprise, la meilleure de cette aventure avec
"Traversée des limbes" de Jean-Christophe Heckers. Le
roman de Morgan était une oeuvre de débutant, contenant encore pas
mal de maladresses, mais l'histoire était fabuleuse, et très bien
menée pour un auteur aussi jeune, avec des personnages formidables
et une gestion très mature des intrigues et du récit lui-même. De
plus, c'est une œuvre qui véhicule des convictions fortes et
courageuses ; le genre que j'aime à soutenir autant que faire
se peut.
Je
portais à l'époque un projet de site de publication sous forme de
feuilletons, "Effeuilletons.fr", qui aurait promu et
rétribué les auteurs tout en les laissant libres de leurs droits.
Jean-Christophe et Morgan auraient fait partie de l'aventure, et je
les ai rencontrés à ce propos au Salon Livre 2013.
Le
projet n'a pas abouti, le site n'ayant pu être réalisé faute de
financement ; il est difficile de ne compter que sur le
bénévolat. Mais je suis restée en contact avec les deux
auteurs et je les ai aidés dans la mesure de mes moyens: j'ai donné
un avis plus fouillé, proposé des corrections. Dans le cas de
Morgan, j'ai surtout traqué les erreurs concernant les scènes de
bataille, qui étaient les plus évidentes. On ne peut guère
s'attendre à ce qu'un auteur de 24 ans, musicien de profession,
maîtrise la technique et le vocabulaire militaires.
Si
loin du soleil est un roman très atypique, peut-être pas assez
formaté pour l'édition traditionnelle. Morgan a décidé de tenter
avec mon appui l'aventure de l'autoédition. Dès que j'en ai eu le
temps, après la promo de Zone franche en mars dernier et la sortie
de Autant en emporte le chergui début mai, j 'ai assuré à
titre bénévole le travail éditorial, autrement dit la mise en
forme dont j'avais l'habitude d'être chargée dans l'édition. Ce
roman était un véritable diamant brut, j'étais enthousiasmée, et
j'ai un immense plaisir à m'y impliquer, même si le temps nous a
terriblement manqué.
Ce
travail a été également l'occasion de poursuivre le « coaching »
entamé en 2013. Morgan et moi nous entendons très bien et nous
amusons beaucoup en travaillant ensemble. C'est toujours un
plaisir de coacher un jeune auteur, mais la personnalité très
attachante de Morgan, qui a l'âge de mon fils aîné, rend la tâche
encore plus sympa. :-)
Morgan
est, de mon point de vue, un auteur de fantasy promis à un très bel
avenir, même si, de nos jours, le succès est de plus en plus
incertain en termes de célébrité et de revenus. Je sais du moins
que ses lecteurs seront nombreux et passionnés. Je ne le dirai
jamais assez, cette oeuvre si originale mérite une large
reconnaissance. En tout cas, je m'y emploierai de toutes mes forces
Je remercie vivement Morgan of Glencoe et Elen
Brig Koridwen pour leurs temps, disponibilités et gentilesse, ainsi que pour m'avoir fait découvrir ce livre !!!
--------------------------------------------------------------------------------------
Avez-vous aimé l'interview ? Qu'avez-vous pensé d'elle ? Dites-moi tout.
--------------------------------------------------------------------------------------
-Zélie-